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Danse


Les alchimistes

Textes d'Aujourd'hui

Les Alchimistes


Ahhhh que le monde de la Danse est étonnant, il nous réserve tant de surprises, tant d’inattendus. J'aime tellement danser et me laisser aller sur ces rythmes, sur ces sons. Participer ainsi à la création d'un nouveau monde ou les gens sont toujours beaux, gais, joyeux, heureux. Alors comme un vagabond flânant sur ses chemins, moi je chancelle sur mes pistes de danses, réinventant les mouvements, tournicotant, flamboyant, j'appelle mes danseuses pour une ronde à deux. Je me sens comme un paon resplendissant, comme un lion qui rugit devant sa lionne, comme un tourtereau qui s'envole devant sa tourterelle. Eclatant, Je brille de mille feux !


Chaque moment de danse est un partage, tout danseur le sait, quel que soit la lionne ou la tourterelle, il y a, à chaque fois, une sorte d'échange magique avec la partenaire, une magie sans cesse renouvelée, car chaque danseuse est unique et apporte dans sa danse, comme une offrande à son danseur, sa personnalité, son cœur et son âme. Tous ces moments sont si généreux, si sincères, si festifs, si sublimes. Mais il arrive, parfois, un phénomène étrange, il arrive que certains moments soient encore plus généreux, plus sublimes, plus magiques, plus uniques que d'autres. Il y a, avec de rares danseuses, une sorte d'alchimie particulière, quelque chose d'incompréhensible, un je ne sais quoi qui vous transporte dans un paradis imaginaire, dans une sorte de doux enchantement.

Oui, il arrive parfois dans nos rencontres de danse, des alchimies étranges… Sans connaitre l'autre, sans savoir qui il est, juste en dansant, on s'aperçoit le temps de cette danse que cet autre nous va « comme un gant » ! Il n'y a rien à dire, rien à séduire, rien à réfléchir, il n'y a juste qu'à ressentir, et constater cette alchimie, comme une évidence.


Ce n'est pas un sentiment ou un élan amoureux, ce n'est pas la recherche d'un vivre ensemble, ce n'est pas la drague farouche de l'être que l’on veut séduire ou aimer. Non, c'est autre chose, dans laquelle la volonté et les sentiments n'ont pas de place, ce n’est pas choisi ou décidé, conscient ou inconscient, c’est irrationnel, comme un évènement surnaturel, ou peut-être même que c’est le contraire, très rationnel, comme une loi physique encore non découverte mais aussi évidente que l’attraction magnétique ou la force gravitationnelle.

A bien y réfléchir, je crois finalement que c’est le mélange des deux, un zest de rationnel et d’irrationnel, une compatibilité de matière. Une alchimie s’exerçant sur les deux corps qui, soudainement, dans une transe, emporte les deux danseurs dans une osmose quasi parfaite.


Je pense que c’est une attraction très physique, ça vient des corps qui sont sur un même vibrato, une réelle compatibilité de matière, comme s'ils étaient sensibles et réceptifs l’un à l’autre, comme s’ils étaient les deux éléments d'un puzzle, s'emboîtant et vibrant sur une même résonance. Les deux danseurs se transforment alors en Alchimistes car tout leur devient possible, ils sont omnipotents, omniscients, capables de réinventer tous les mouvements, en sachant avec certitude que l'autre va suivre. Il n'y a plus de gênes, plus de tabous, seulement deux corps connectés qui ne font qu'Un. Les mêmes oreilles, les mêmes yeux, la même respiration, les mêmes déplacements, les mêmes ressentis, la même compréhension intuitive de l'espace, du son, et du temps.


Je fus et suis encore parfois cet Alchimiste… J’aurai tellement voulu comprendre pour reproduire… Mais à la vérité, je n'en sais ni l'origine, ni le comment. Ce n'est pas l'esthétique de la danseuse ou son niveau de danse, ce n'est pas son caractère ou sa personnalité, ce n’est pas la confiance ou l'amitié qu'on lui accorde, non c’est autre chose…

Je ne peux oublier le souvenir de ces quelques filles qui ont fait de moi cet Alchimiste. Elles n'étaient pas toujours jeunes, elles n'étaient pas toujours belles, elles n'étaient pas toujours grandes danseuses, j’aurai pu passer à côté d’elles, parfois, sans même les remarquer… Mais le hasard d’une danse… L’alchimie qui opèrent… Et, voilà, qu’elles deviennent dans mes bras de danseur les plus belles, les plus intelligentes, les plus merveilleuses créatures du monde, des êtres quasi parfaits… Le temps d’une danse…


Que ne ferai-je pour vivre plus souvent de tels moments ?

Ils sont si rares, si imprévisibles, si sélectifs… Pourquoi cette alchimie si particulière n’existe pas avec toutes les danseuses ?

Et, pourquoi, parfois, avec la même danseuse, cette alchimie ne se reproduit pas ?

Pourquoi ?

Probablement que ma raison veut comprendre ce qui finalement ne se comprend pas.


J'ai toujours aimé toutes mes danseuses, connues ou inconnues, étrangères ou amies, toutes sont extraordinaires et trouvent grâce à mes yeux, elles sont tellement uniques. Pour communiquer avec elles, moi le grand bavard, si prolixe de mots, j’apprends patiemment un nouveau langage, celui du silence et du mouvement, celui de la danse, car c’est ainsi que les corps parlent, et ils se racontent tant de choses quand on sait les comprendre. Alors venez, mes jolies danseuses, dansons, et parlez-moi, encore et encore, je vous aime toutes telles que vous êtes !


Et, s'il m'est permis d'espérer, je souhaiterais que dans le hasard de ces subtiles conversations, je puisse encore, de temps en temps, rencontrer quelques-unes de ces Alchimistes qui me feront voyager au-delà du temps…Juste quelques-unes...Au-delà du temps…Juste quelques-unes… J'en serai si heureux, si content, tellement content…




Didier


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