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Hispaniola

Textes d'Aujourd'hui

Hispaniola


Hispaniola, douce et sublime ile des Caraïbes, ou les femmes ébènes et lascives ondulent leurs rondeurs au rythme des vents qui passent et des vagues qui arrivent…

Je pense à ces conquistadors qui t’ont découverte, il y a quelques siècles déjà, savaient-ils qu’un jour ton ile deviendrait l’oasis de vacanciers en recherche d’insouciance ? Savaient-ils déjà que tu serais une terre de musique et de danse, berceau du joyeux Merengue et de la douce Bachata ?


Christophe Colomb cherchait une nouvelle route pour les Indes, il se croyait arrivé en Inde ! Il venait de faire ce long voyage pour gagner richesse et noblesse que son pays ne lui offrait pas… J’imagine sa surprise quand il comprit qu’au lieu d’épices, le paradis qu’il venait de découvrir regorgeait d’or et d’argent… Mr Colomb allait être servi, bien au-delà de ses espérances !


Ce navigateur hors pair, peut-être le plus doué de l’histoire de l’humanité, venait de se tromper de route, et c’est pourtant ainsi qu’il entrait dans la mémoire commune… Pouvait-il s’imaginer, à ce moment là, que les lointains descendants de ces indigènes qu’il rencontrait pour la première fois seraient, un jour, devant moi, chantant, dansant, riant, communiquant leurs joies ?

Aujourd’hui, bien des siècles plus tard, en ce milieu de journée, tranquillement allongé sur mon transat, sous un parasol de feuilles de cocotier séchées, bercé par le vent, les pieds touchant le sable fin brulant de cette plage de Punta Cana, je me sens l’âme de ces lointains conquistadors, et mon trésor est cette Bachata que j’écoute en permanence, que j’adore, et qui s’offre à moi dans ce pays où elle prit naissance.


Je me revois, deux ans et demi plus tôt, prêt à tout donner pour apprendre cette danse et en découvrir les trésors cachés. J’étais dans une obsession récurrente mais ce n’était pas les richesses d’or et d’argent qui m’intéressais, moi je ne voulais que la Bachata !

Je voulais me l’approprier, je voulais la posséder !

L’objectif déclaré, était de gagner en performance, encore et toujours, jusqu’à tout prendre ! Je me comportais comme ces égoïstes conquistadors espagnols qui m’avaient précédé. Sacrifiant tant, autour de moi, je voulais, comme eux, obtenir, gloire, reconnaissance, et renommée… Certes, j’avais commencé cette quête pour oublier mes souffrances, comme ces conquérants d’antan, mais à vouloir tout prendre, j’avais perdu en chemin un peu de mon âme en accumulant rancœurs, tristesses, et disgrâces… A trop vouloir, j’avais oublié qu’on obtient, parfois, que dommages. A la recherche d'un Eldorado, je n’ai fini par recevoir qu’illusions et désespoirs…


Et me voilà, maintenant, depuis quelques jours, sur ton ile paradisiaque, Hispaniola, voilà que je goutte allègrement à tes saveurs locales. Je suis là sirotant à longueur de journée ces Coco-Loco ou ces Mama-Juana dont tu as le secret, je suis là à plonger dans ton eau bleue turquoise réchauffée par tous ces rayons de soleils brulants et je suis prêt pour l'un de mes grands plaisirs de vacances, tranquillement allongé sur un transat, avec la mer pour horizon, un verre à portée de la main, je suis prêt dans ces conditions idéales pour commencer mes lectures.


Et voilà comment je voyais les vacances, mer, soleil, cocktails, musiques, lectures et danses. Dans mes sélections de l’été, il y avait ce livre sur la psycho-énergétique qui traite des maladies rattachées aux tensions psychiques. Vastes sujets qui m’ont depuis toujours intéressé convaincu de longue date que les mécanismes de la pensée ont le pouvoir de nous détruire ou de nous sauver. Quelle ne fut, alors, ma surprise de découvrir les phrases qui suivent :

« … lorsque nous avons mal à un genou, cela signifie que nous avons de la difficulté à plier et à accepter un vécu particulier…

si c’est le genou droit, la tension est en relation avec la symbolique Yin (principe féminin)… ».

Le livre poursuit avec un exemple de l’auteur :

« … au fond de moi, je ne pouvais accepter les messages qui me venaient en permanence et me montraient que ma route avec elle était terminée. Il m’était trop difficile d’accepter cette idée, après tout ce que j’avais investi en elle, malgré le vécu de trahison qui s’associait au reste… Ce fut mon genou droit qui lâcha et m’obligea à tout arrêter… ».


Incroyable !!

Mais c'est exactement ce qui m'arrivait depuis quelques temps, j'avais de fréquentes douleurs au genou droit mais aussi au gauche !

Je ne pus, alors, m’empêcher de penser à mes contrariétés récentes avec la gente féminine, il y avait tant de similitudes avec ce que je venais de lire même si pour moi il ne s'agissait que de danse… Devais-je ignorer ces messages ? Devais-je essayer, à mon tour, de les comprendre, comme l’auteur du livre ?

Allongé sur mon transat, je me souviens que la lecture de ces quelques lignes réveilla en moi de mauvais souvenirs mais déclencha une décision… Il était temps d’en finir avec les éternelles ruminations de ce récent vécu !


J’étais sur ton ile, Hispaniola, alors, j’ai voulu, avec un peu de fantaisie, imaginer que ces aventures, pour mieux les raconter et mieux les oublier, étaient corrélées à ta propre histoire… C'est vrai que j’exagère toujours tout, ceux qui me connaissent le savent, je suis fils de pied-noir, l'histoire que je vais raconter est sans doute exagérée, mais, ainsi, en reliant mon histoire à la tienne, Hispaniola, j’allais faire de ce récit banal une sorte de légende urbaine que l’on raconterait dans les chaumières de nombreuses familles, et peut-être même qu’un jour, mon ami Arnaud Manikeo, en ferait un film à l'image de ce qu'il avait fait avec celui sur la Bachata…

Je plaisante, bien sûr, mais toujours est-il que, ce jour-là, je me suis fait une promesse, la promesse qu’avant de quitter ton ile, Hispaniola, j’accepterai définitivement ce récent vécu danse lié à la Bachata qui m'avait tant affecté et que je n’en garderai que les leçons à retenir… 

Je vais raconter ma « légende urbaine », une dernière fois, par métaphores, et, dans quelques jours, quand j’aurai quitté ton ile, Hispaniola, je tiendrai cette promesse, je laisserai symboliquement cette histoire sur tes terres, comme une thérapie, aujourd'hui sera cette dernière fois… Ainsi commence mon histoire…



Hispaniola, comme mes glorieux ainés venus sur tes terres avec leurs immenses caravelles, la Santa Maria, la Pinta et la Nina, pour débusquer tes richesses, moi, je me revois avec mes partenaires à la conquête de ta Bachata…

Au départ, je ne cherchais que la Salsa et, avec mes caravelles, j'étais plutôt en route vers Cuba mais, comme Mr Colomb, je m’étais, pour mon plus grand bonheur, trompé de direction et je suis arrivé sur ton île, oubliant la Salsa pour la Bachata. Il me fallut 2 années de route et 3 caravelles pour en arriver là, la Fuega, La Princessa et l’Amiga. J’avais mis tant d'espoirs et d'acharnements pour atteindre ton île et voilà que j'y étais, je pouvais enfin m’adonner aux joies sans fins de ta bachata, j'allais te dérober tous tes trésors, Hispanola, comme les terribles conquistadors, chaque jour, un peu plus encore…


Mais à force de vouloir et de ne vivre que pour ça, j'étais devenu voracement addict de ces sublimes voyages que nous prolongions sans cesse pour qu'ils ne finissent pas et surtout dangereusement dépendant de mes caravelles. Et ce qui devait arriver, arriva...

Un jour, au décours de l'un de ces voyages, l'Amiga, la plus belle de mes caravelles, m’abandonna. Laissé, au milieu de nul part, seul, sur une île abandonné, elle partait sans moi, pour d’autres trésors, d’autres conquêtes, d’autres renommées, elle restait sourde à tous mes appels… Orgueil, fierté, insensible, jusqu’au bout, elle ne revint jamais… Et, je suis resté…

J’avais, quelques temps auparavant, moi-même, abandonné la Fuega qui voguait depuis avec d’autres capitaines sur d’autres chemins de mer, je comprenais ce qu'elle avait pu ressentir, ce sentiment terrible d'abandon, d'être seul… Mais, me concernant, même si la perte de l'Amiga était lourde, il me restait la Princessa, ma belle et fidèle caravelle, j’allais encore et toujours pouvoir te conquérir, Hispaniola, car ma soif de Bachata était toujours folle, toujours aussi vive…

Quelle ne fut ma surprise de découvrir que la plus fidèle de mes caravelles, pour cause d’avaries, ne prenait plus la mer… Ou étais-ce uniquement avec moi ? Je l’avais peut-être lassé avec mes incessantes jérémiades, c'est vrai que la compagnie d’un vieil acariâtre n’est pas toujours des plus faciles ni des plus agréables… Peut-être aussi que ses avaries étaient réellement trop importantes ?

Je ne sais pas… Ce qui était devenu sûr, en tout cas, c’est qu’elle, non plus, ne viendrait pas…


Je suis resté échoué si près de ton île, Hispanola, naufragé nostalgique de mes caravelles avec pour seuls réconforts 2 radeaux, qui me permettaient de quitter cet isolement et de t’approcher encore… Par chance, au plus fort de ma solitude, une nouvelle caravelle entendit ma détresse et répondit à mon appel. Elle était grande, elle était forte, elle était belle, on l’appelait, la Bella, c’était un merveilleux bateau qui s'offrait à moi… Avec elle, je devais tout réapprendre, car aucunes caravelles ne se ressemblent, et pour bien naviguer avec ces trois mâts, il faut parfois attendre de longs mois. Mais une chose était sûre, avec cette splendide caravelle, je savais que je reviendrai, un jour, sur tes rivages, Hispanola !


Mais ce temps passé en naufragé avait changé quelque chose en moi, je ne souhaitais plus arriver sur tes terres comme un cupide conquistador… Le temps du « toujours plus » ou de ces « encore et encore » était terminé, je voulais retrouver une âme de missionnaire faite d'échanges et de joies, et commencer à partager les trésors que je t’avais pris… Oublié le conquistador, oublié l’obsession de devenir un grand navigateur qui, jadis, me hantait tant… Cela ne m’avait apporté que ruine et désarroi… 

Je ne serai plus que capitaine de navires, dorénavant je serai bâtisseur de futures caravelles, et c’est en bâtisseur que je donnerai la force à d’autres de naviguer vers toi, mon Hispanola. Je façonnerai leur bois de toutes tes valeurs, de celles que tu aimes tant, qui portent haut les couleurs de ta Bachata. Je gage que parmi elles, il en restera quelques-unes, si c'était nécessaire, qui me permettraient, encore et toujours, de voguer vers toi… Je ne serai plus jamais le capitaine de caravelles « officielles », la Bella sera pour moi la dernière. Je sais aussi que, la Bella, même si elle devait me laisser un jour, saura toujours me trouver une petite place pour me porter sur tes terres… Mes radeaux d'hier sont aussi devenus, à leur tour, des caravelles, quoi qu’il arrive, je trouverai toujours le moyen de voguer vers toi, ma chère et tendre Hispaniola… Légende urbaine d'un conquistador devenu bâtisseur de caravelle... Plus jamais conquistador, plus jamais…




Mais, aujourd’hui, est le jour où je te quitte, Hispaniola… Je suis dans l'avion du retour, tes douceurs dans mes souvenirs, ta mer bleue et tes rayons encore sur le corps… Physiquement et symboliquement, je ne suis plus là… A l’écoute de mes sirènes qui continuellement me veillent, me protègent, le temps est venu de tenir ma promesse…

Vivement que demain vienne et laisse place à d’autres légendes urbaines, la vie est comme ça… Même si on souffre parfois, c'est tellement beau de vivre… Allez vole, bel avion, vole, ramène-moi chez moi…




Didier


(Ce texte a été écrit lors d'un voyage à Punta Cana, il raconte quelques désillusions et une partie de mon histoire danse mais il ne sera compréhensible que par moi, c'est un souvenir autobiographique… )


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